Communiqué de presse
24 juillet 2023
Augmentation des arrêts de travail : ne faisons pas porter la responsabilité sur les médecins libéraux !
Résultats de l’enquête réalisée par l’URPS Médecins Ile de France sur les arrêts de travail
Éléments de contexte
Depuis la déclaration en juin du ministre de l’Économie[i] visant à diminuer les dépenses de la branche maladie notamment en matière d’indemnités journalières liées aux arrêts de travail, l’assurance maladie cible les prescripteurs excédentaires selon les critères statistiques de la CNAM. Pour atteindre les objectifs fixés par Bercy, la CNAM a déjà convoqué 5000 médecins généralistes pour des entretiens liés à leur prescription « atypique » d’arrêt de travail[ii]. Un certain nombre d’entre-eux se voient proposer une mise sous objectif avec une proposition de réduction chiffrée de leurs prescriptions d’arrêt de travail. Dans le contexte actuel, cette campagne a des effets délétères sur le moral des médecins qui reçoivent ces courriers et les interprètent comme une remise en cause de leur pratique.
Résultats de l’enquête
Consciente des enjeux économiques et sociétaux du sujet des arrêts de travail, l’URPS médecins a souhaité donner un éclairage sur la perception et la pratique des médecins libéraux via une enquête flash lancée le 6 juillet 2023 auprès des médecins généralistes, psychiatres et rhumatologues franciliens : 973 témoignages de médecins en quelques jours.
- 50 % des répondants constatent en effet une augmentation des prescriptions d’arrêt de travail dans leur pratique, avec une accélération durant les trois dernières années. Ceux qui constatent une hausse l’expliquent principalement par les effets du COVID et la dégradation des conditions de travail ressenties par leurs patients.
- Le motif numéro 1 de prescription d’AT cité par l’ensemble des médecins répondants correspond troubles anxio-dépressifs, devant les pathologies infectieuses ou douloureuses. Parmi les verbatims qui reviennent le plus souvent dans les demandes d’arrêt de travail : stress, anxiété, dépression, surmenage, angoisse, harcèlement…
- Dans certains cas les médecins déclarent devoir prolonger un arrêt de travail pour du fait de la situation socio- professionnelle du patient ou de délais d’obtention d’examen(s) complémentaire(s).
- Les médecins déclarent recevoir très peu de demandes de prescription d’arrêt de travail qui leur paraissent injustifiées. (Moins de 10 % disent en recevoir régulièrement). Très peu prescrivent d’arrêt de travail en téléconsultation (Moins de 10 % disent le faire régulièrement).
- Parmi les médecins répondants ils sont 31 % à déclarer avoir déjà subi des menaces ou des pressions pour les forcer à prescrire un arrêt de travail.
- Parmi les médecins répondants ils sont 18 % à déclarer avoir déjà reçu un courrier de l’assurance maladie au sujet du niveau de leurs prescriptions d’arrêt de travail.
- Concernant les arrêts de travail de moins de 4 jours, 76 % des médecins répondants seraient favorables à la suppression de l’obligation de prescription.
- Pour les arrêts de longue durée, 90 % des médecins répondants seraient favorables à la mise en place d’une alternative à l’arrêt de travail via un télétravail aménagé.
Pour ce qui est du retour à l’emploi réussi des patients, notamment lors des arrêts longue durée, les médecins souhaiteraient une coordination avec la médecine du travail afin de mettre en place des reprises partielles ou progressives.
Conclusion
En conclusion, comme le précisait le rapport[iii] remis à Edouard Philippe en 2019, la problématique des arrêts de travail est un sujet systémique, tel ou tel intervenant ne peut être tenu aux yeux des autres comme seul responsable des défauts du fonctionnement du système. La campagne en cours ciblant les médecins généralistes libéraux ignore ce constat.
Dans les prochaines années, la progression du poids des arrêts de travail des séniors sera sans doute une cause majeure de l’évolution de la dépense globale. Les périodes de transition vers la retraite avec des mécanismes de retraite progressive, ou de réduction d’activité seront à développer.
Les médecins doivent être informés de ces dispositifs et plus globalement des alternatives aux arrêts de travail longs ou répétitifs, pouvant s’intégrer dans le cadre de la formation médicale continue. De la même manière, la convention médicale doit prévoir dans ces situations des temps de consultation spécifique entre le médecin et son patient et une interface possible avec les médecins conseils et les médecins du travail.
Valérie Briole, Présidente de l’URPS des Médecins Libéraux d’Île de France, déclare :
« Dans une situation de pénurie globale de médecins traitants, de médecins du travail, de médecins conseil de l’assurance maladie, il ne sert à rien de faire pression sur les médecins libéraux qui restent… Plutôt que de condamner les médecins prescripteurs d’arrêts de travail, interrogeons-nous sur les raisons du mal-être grandissant des Français ! »
[i] « Bruno Le Maire veut lutter contre les « dérives » liées à la forte augmentation du nombre d’arrêts maladie prescrits, passés de 6,4 millions à 8,8 millions en dix ans selon lui. « C’est une hausse de plus de 30%, qui nous a conduits en 2022 à dépenser au total 16 milliards d’euros », a-t-il souligné, sans chiffrer les économies attendues. » Extrait France Info 19 juin 2023
[ii] La période d’analyse par l’assurance maladie sur 6 mois du 01/09/2022 au 28/02/2023, le critère 2023 est le pourcentage de patients actifs ayant bénéficié d’IJ au cours de la période (Exit le volume global d’IJ ou le nombre d’IJ par patient) – Ce n’est qu’à la réception de ces explications et/ou la tenue de l’entretien que la CPAM décidera ou pas d’adresser une proposition de MSO (Mise Sous Objectif) par une 2è LR+AR avec un objectif chiffré de baisse des IJ de x %.
[iii] « Plus de prévention, d’efficacité, d’équité et de maîtrise des arrêts de travail Neuf constats, vingt propositions » Rapport fait à la demande du Premier Ministre – Janvier 2019